L’Enquête périnatale de 2021 relevait que presque 25% des patientes interrogées (échantillon de 7000 patientes entre 55 et 65 jours post accouchement) avaient des douleurs périnéales, 13% estimaient la période du post partum compliquée… Là où elles étaient 90% à être plutôt satisfaites du moment de la naissance et du suivi de grossesse. La majorité des femmes interrogées avaient reçu l’aide d’un.e sage-femme à domicile (pour 79.1% d’entre elles).
Donc quasiment ¼ des femmes interrogées avaient des douleurs périnéales dans le post- partum. Ce sujet mérite toute notre attention … On en parle ensemble ?
ETIOLOGIES DES DOULEURS PÉRINÉALES DANS LE POST PARTUM
Tout d’abord, pourquoi ? Quelles sont les raisons physiques d’avoir mal à son périnée après un accouchement … Et bien, malheureusement les causes ne manquent pas ! Petite liste : Éraillures, déchirures, épisiotomie, œdème, hémorroïdes, pesanteur pelvienne, douleurs d’origine osseuse : coccyx, étirement ligamentaire, laxité du bassin, dislocation de la symphyse pubienne… Que de réjouissances !
LA CICATRISATION DES DÉCHIRURES PÉRINÉALES ET ÉPISIOTOMIES
Portons notre attention plus précisément sur le processus de cicatrisation…
Déjà, qui est concerné ?
La bonne nouvelle c’est que le taux d’épisiotomie en France diminue (il était temps, les français n’étaient pas hyper bien placés). Nous sommes passés de 20% d’épisiotomies en 2016 à 8,3% en 2021. Et il y a 73% des femmes ayant eu une épisiotomie qui déclarent avoir des dyspareunies durant les 3 premiers mois après l’accouchement (étude de Barrett G. et al.). Alors oui, il y a moins d’épisiotomies grâce à une redéfinition des indications de celles-ci et une politique régressive de cette pratique, mais il ne faut pas négliger son impact dans le post-partum. Concernant les déchirures périnéales, il n’a pas été démontré de lien entre leur degré et la présence de dyspareunies dans le post-partum (étude Barrett G, Pendry E, Peacock J, Victor C, Thakar R, Manyonda I. Women’s sexual health after childbirth. BJOG An International Journal of Obstetrics and Gynaecology. 2000 ; 107(2) : 186-95).
De manière physiologique, le processus de cicatrisation va suivre ce rythme :
- phase de réparation d’environ 15 jours : un œdème plus ou moins léger peut survenir (J2-J4), la peau cicatrise en six à dix jours, des douleurs sont possibles mais doivent être supportables et transitoires jusqu’à environ J5, les fils des points de suture se résorbent spontanément vers le 10e jour.
- phase de maturation (2 mois à 2 ans)
- aspect définitif en 1 an, voire parfois 2 ans.
La particularité du périnée, c’est qu’il s’agit d’une zone de traction, de macération…
Alors comment favoriser la cicatrisation ?
Les soins de cicatrice périnéale dans les premiers jours
- Lavage des mains avant et après les soins
- Savonnage, rinçage, séchage soigneux en tapotant la vulve.
- Pas d’antiseptiques, antibiotiques à éviter
- Evaluation par la sage-femme une fois / jour
- De nombreuses crèmes / pommades peuvent aider le processus de cicatrisation :crème barrière, crème cicatrisante, crème hydratante, crème apaisante
Attention toutefois aux produits allergisants : talc, huile d’amande douce, huiles essentielles...
- Si fils non résorbables : retrait à J5
⮚ Quelles peuvent être les complications de la cicatrisation ?
- Un hématome de la cicatrice secondaire à un défaut d’hémostase du plan profond pouvant entraîner une douleur (jusqu’à 40% dans la littérature, régression spontanée possible)
- Une inflammation de la suture avec œdème au niveau de la cicatrice
- Une désunion de cicatrice
- Une infection de la suture
o Désunion de cicatrice : (jusqu’à 40%)
Il n’existe pas d’arguments pour privilégier la cicatrisation dirigée ou la reprise chirurgicale, toutefois la reprise doit être privilégiée en cas de désunion importante (accord professionnel)
- Cicatrisation dirigée
- Soins locaux : sérum physiologique, Bétadine
- Pansement absorbant si cavité ou sécrétions
- Thérapie cellulaire et/ou biophotomodulation. - Réfection de cicatrice : si étendue ou si bride quand la cicatrisation est acquise.
Examen approfondi (TR/TV)
-Reprise au bloc
-Ablation de la cicatrice
-Suture plan/plan, surjet au fil résorbable
-Suivi
Il est conseillé de programmer une rééducation périnéale une fois la cicatrisation acquise pour relaxation périnéale et massage vestibulaire.
o Infection d’une cicatrice : (jusqu’à 22%)
- Rougeur, œdème
- L’infection de cicatrice périnéale justifie une antibiothérapie orale à large spectre active sur anaérobies et germes cutanés, en plus des soins locaux (accord professionnel)
- Cas particulier : l’abcès = rougeur, œdème, tuméfaction Nécessite une prise en charge chirurgicale avec évacuation de l’abcès, méchage et soins locaux.
o Granulation :
- 2 à 4 mois après accouchement : granulations à type de nodule ou polype. Cela donne : Leucorrhées, saignements après les rapports, dyspareunies
- Si de petite taille : nitrate d’argent ou Ablation chirurgicale
PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR PÉRINÉALE EN POST PARTUM
Il faut savoir que 10% des femmes ont une douleur persistante 2 mois après un accouchement, quelle que soit la voie d’accouchement (10% AVB, 9.2% césarienne).
Le tableau suivant énumère les différents traitements qui peuvent être envisagés :
Les traitements locaux :
- Afin d’améliorer la trophicité vulvovaginale, l’apport d’acide hyaluronique peut être intéressant. En effet, son rôle dans la matrice cellulaire implique des propriétés cicatrisantes et anti-inflammatoires prouvées. Il existe sous forme de gel à appliquer sur le périnée et sous forme d’injections que seuls un dermatologue ou un gynécologue formé à cette technique, peuvent pratiquer. Ce traitement peut être proposé face à une épisiotomie ou des cicatrices fibreuses.
- En ce qui concerne les dyspareunies secondaires à une sécheresse vaginale, des œstrogènes locaux peuvent être proposés.
- Pensez aux huiles végétales : Onagre, jojoba, coco… qui ont des propriétés phyto- oestrogéniques, assouplissantes, cicatrisantes…
- L’argile blanche ou verte.
Les positions pour soulager les douleurs périnéales :
⮚ Rééducation en post-partum immédiat :
La (ré)éducation périnéale a un rôle à jouer dans le soulagement de la douleur en post partum par mobilisation du périnée par des exercices de contraction mais surtout de relâchement.
L’intérêt de la connaissance prénatale de son périnée et d’exercices à mettre en place dans les jours qui suivent l’accouchement (sans examen vaginal) n’est plus à démontrer. La mobilisation précoce du périnée va favoriser la cicatrisation, le retour veineux et diminuer les problèmes de continence. La rééducation périnéale pendant la grossesse diminue de 40% les problèmes urinaires après. Ne devrions d’ailleurs pas parler d’éducation périnéale plutôt que de rééducation …
Source : Collège National des Gynécologues Obstétriciens Français, Recommandations pour la pratique Clinique – Diagnostic et prise en charge de l’incontinence urinaire de la femme adulte. www.cngof.asso.fr, site consulté le 3 septembre 2010.
⮚ Rééducation dans les 6 à 8 semaines
L’intérêt de la prise en charge spécialisée en rééducation périnéale et pré-postnatale est multiple :
- Retrouver un périnée qui pourra assurer ses fonctions principales de soutènement des organes du petit bassin, de verrouillage sphinctérien et son rôle important lors des rapports sexuels avec pénétration ;
- Retrouver une utilisation abdomino-lombo-pelvienne physiologique (travail en réseau avec les kinésithérapeutes) ;
- Permettre aux patientes de se réapproprier leur corps, de se réconcilier avec celui-ci dans son intégralité.
- Aborder la reprise de la sexualité, ou si cela est déjà fait s’assurer de la non- douleur. (Après 12 mois : 10 % des patientes ont encore des douleurs). Qualité des rapports sexuels.
- Techniques réductionnelles spécifiques, comportementales, manuelles, physiothérapies (biofeedback, électrostimulation) gymniques et hypopressives, peu ou non invasives sont très bien acceptées par les patientes…
La rééducation périnéale antalgique :
- Bien que la rééducation du périnée ne soit pas associée à une diminution des dyspareunies après 1 an d’après le CNGOF (mise à jour en 2015), l’utilisation de techniques manuelles et du biofeedback ont prouvé leur rôle dans le renforcement de la sangle périnéale.
- De plus, l’électrostimulation a une valeur antalgique prouvée. Cette pratique utilise des basses fréquences (5 à 10 Hz) et des sondes adaptées à la problématique : sondes doigtiers si dyspareunies superficielles ou cicatrices indurées ; sondes barrettes classiques ou sondes doigtiers pour dyspareunies profondes.
- Lors des séances de rééducation du périnée, le kinésithérapeute ou la sage- femme peut exercer des techniques à visée de relaxation musculaire telles que le biofeedback négatif, le contracter-relâcher, l’étirer-relâcher, la fascia thérapie ou l’ostéopathie. Ces méthodes doivent être systématiquement associées à la respiration et à la relaxation. Il faut profiter des séances pour travailler les cicatrices.
- Ces prises en charges spécifiques doivent toujours s’associer à un renforcement musculaire (abdominal, périnéal et dorsal) ainsi qu’à une correction de la posture et de l’équilibre.
- Il n’existe pas de technique parfaite pour traiter les dyspareunies superficielles. La prise en charge proposée par le professionnel de santé doit être lente, progressive, douce, indolore, n’engendrant pas l’apparition du réflexe myotatique de défense (association avec une crème antalgique et/ou hydratante) : recommandation de Convergences PP octobre 2018 (Grade A).
⮚ La kinésithérapie du post-partum Elle permet un prise en charge de la stabilité abdomino-lombo-pelvienne :
- Corriger la statique de la lordose lombaire qui se modifie entre le 2e et le début du 3e trimestre de grossesse, qui se poursuit dans les premiers mois du post-partum.
- Corriger l’hypotonie musculaire abdominale et le diastasis des muscles grands droits qui persiste chez près de la moitié des femmes entre 5 et 7 semaines post-partum.
- Prendre en charges les douleurs lombaires et/ou de la ceinture pelvienne qui sont présentes plusieurs mois après l’accouchement chez plus de 30 % des femmes.
- Une harmonisation du tonus musculaire de base et de la contractilité musculaire de la sangle abdominale et de son utilisation pour mettre en place l’activation posturale anticipative qui permet de protéger la région lombaire et périnéale.
A éviter :
- Au cours du premier mois après l’accouchement, ne pas porter des charges dont le poids excède celui du bébé.
- Ne pas pratiquer l’interruption volontaire de la miction (le « stop-pipi»), censée renforcer le périnée. Cela déstabilise le fonctionnement de la vessie et peut augmenter le risque d’infection urinaire.
Attention le périnée intact comme cicatriciel peut être sujet aux dyspareunies du post- partum. Un traumatisme du col ou un nerf étiré peuvent être également la source de la douleur….
❖ PRÉVENTION DES DOULEURS PÉRINÉALES DU POST PARTUM
⮚ Le massage périnéal prénatal est une pratique consistant à se masser le périnée à partir du 8ème mois de grossesse afin d’assouplir les tissus.
⮚ Le CNGOF le recommande dans ses dernières RPC de 2018 concernant la prévention et la protection périnéale en obstétrique. Le massage périnéal doit être encouragé chez les femmes souhaitant le pratiquer. Les études montrent qu’il diminue le taux d’épisiotomie et les douleurs périnéales dans le post-partum. Cependant, il ne diminue ni le taux de lésions obstétricales du sphincter anal, ni le taux d’incontinence urinaire dans le post-partum.
⮚ Au sein de ces RPC, le dispositif Epi-No est évoqué comme non recommandé. La prévention des dyspareunies s’effectue à la fois dans le per, le pré et le post partum.
❖ NOUVELLES MÉTHODES
⮚ La MIL-thérapie ou biophotomodulation, s’effectue quant à elle par l’intermédiaire d’un appareil qui associe des techniques du LED (Light-Emetting Diode), du laser et des champs électromagnétiques. Cette thérapie a une action antalgique et anti-inflammatoire, elle agit sur la réparation tissulaire.
⮚ L’utilisation de la haute fréquence a une action drainante, anti-inflammatoire et antalgique. Ses propriétés sont intéressantes sur des cicatrices d’épisiotomie, des déchirures ou cicatrices de césarienne, des cicatrices fibrosées et douloureuses, des désunions, des œdèmes ...
⮚ Le laser O2 fractionné améliore quant à lui la trophicité vulvovaginale grâce à une bio stimulation. Cette dernière accélère en effet la guérison des tissus.
❖ SEXUALITE DU POST PARTUM
Pendant la grossesse, les femmes peuvent déjà être sujettes à des dyspareunies. La sexualité est un domaine qui devrait être abordé systématiquement avec les patientes et les couples. La communication sur ce sujet pourrait avoir lieu lors des séances de préparation à l’accouchement si la sage-femme est suffisamment à l’aise, lors de l’entretien prénatal précoce qui est un moment opportun pour discuter avec le couple, ou par le biais de dépliants laissés en salle d’attente. Le message doit être préventif et doit inciter les femmes à ne plus taire ces douleurs.
❖ FOCUS SUR LES HORMONES
⮚ La carence oestrogénique Elle est induite par une diminution des estrogènes. Elle entraîne un amincissement de l’épithélium vaginal, une diminution de la lubrification et cause une sécheresse vaginale … Les muqueuses perdent en élasticité, les composants du tissu conjonctif régressent, rendant la femme plus sensible à la douleur.
⮚ L’allaitement maternel Il implique une hyperprolactinémie qui a pour conséquence une chute des hormones sexuelles donc une diminution de la libido. Baisse de libido et sécheresse vaginale, voici le combo parfait qui peut provoquer des dyspareunies superficielles…
Kettler et al. : 21.2% des femmes qui allaitent au sein présentent des dyspareunies contre 15.9% pour les femmes qui allaitent au biberon. C’est trop injuste.
Glazener et al : les femmes qui allaitent au sein sont 3 fois plus indifférentes à la reprise des rapports sexuels durant les 3 premiers mois du post-partum VS les femmes qui allaitent au biberon. Ca manque de peps tout ça !
❖ INTERROGATOIRE SYSTEMATIQUE
Cet interrogatoire peut être aménagé selon la situation, qu’elle se produise en prénatal comme en postnatal. Dans les deux cas, il est indispensable de corréler les informations récoltées lors de cet entretien avec les éléments cliniques du dossier de la patiente tels que ses antécédents personnels, psychologiques, médicaux, gynécologiques ou obstétricaux.
Les réponses à ces questions permettent de mieux comprendre la survenue, le vécu et le type de dyspareunies. Cette étape est indispensable pour orienter et personnaliser la prise en charge.
Lucena HM, Mukhopadhyay S, Morris E. Dyspareunia: a difficult symptom in gynaecological practice. Obstetrics, Gynaecolog and Reproductive Medicine. 2015 ; 25 (4) : 96-101
1. Questions spécifiques :
– Depuis combien de temps présentez-vous ce problème ?
– Est-ce que c’est une sensation aiguë, diffuse, lancinante, de brûlure ou de coupure ?
– Est-ce vous trouvez que cette douleur s’apaise ou qu’elle s’intensifie ?
– Est-ce cette douleur est présente depuis le premier rapport sexuel ou est-ce qu’elle est apparue après ?
– Est-ce que la douleur est présente à chaque rapport sexuel ?
– A quelle fréquence avez-vous des relations sexuelles ?
– Est-ce que la douleur apparaît au début de la pénétration ou est- ce qu’elle apparait lorsque cette dernière est profonde ?
– Y a-t-il des positions sexuelles qui empirent ou qui apaisent ces douleurs ?
– Est-ce que les antidouleurs vous soulagent ?
– Avez-vous des douleurs génitales ou pelviennes survenant lors d’un autre contact que celui des rapports sexuels (insertion d’un tampon hygiénique, examen pelvien, insertion digitale, sexe oral, pendant une miction) ?
2. Questions sur l’histoire sexuelle de la patiente :
– Avez-vous envie d’avoir des rapports sexuels ?
– Etes-vous excitée et suffisamment lubrifiée pendant les préliminaires ?
– Est-ce que ces douleurs impactent votre relation de couple ?
– Quand avez-vous changé de partenaire sexuel pour la dernière fois ?
– Aviez-vous ces douleurs avec d’autres partenaires ?
❖ AU FINAL, QUELQUES CONSEILS...
Dans les premières heures : antalgiques en systématique (AINS++) voir ACUPAN, poche de glace, position demi assise ou allongée, resserrer le bassin, exercice de mobilisation du périnée précoce, traitement de la cause si hémorroïdes.
Radiofréquence ou biophotomodulation.
Argile…
Dans les premiers jours : antalgiques, position de confort, mobilisation périnée, suivi rapproché de la patiente et de la cicatrisation. Radiofréquence ou biophotomodulation.
Faire vérifier comment se passe la cicatrisation.
Dans les premiers mois : confort périnéal, rééducation vésicale, accompagnement à la reprise de la sexualité : dyspareunies 10% des femmes ont encore mal 1 an après l'accouchement.
Tout au long de la prise en charge, pensez à la cotation de la douleur grâce aux échelles numériques ou d’évaluation de la douleur pour objectiver le ressenti de la patiente et vérifier l’efficacité de votre prise en charge. Pensez à bien examiner la vulve de la patiente douloureuse et à réaliser un Q-tip test si besoin.
On en parle ici aussi :